mercredi 27 mai 2015

Grandir chez les naturistes.

          En lançant ce blog, je m'étais dit que jamais je ne parlerai de mes parents. J'entretiens avec ces derniers une relation particulièrement compliquée. Mais ils font partie de moi (phrase profonde du jour : check !)

Bref, mes parents sont naturistes.

Mon talent artistique est incontestable.

          Je n'ai jamais bien saisi la subtile différence qu'il y avait entre les nudistes & les naturistes. Wikipedia me dit une chose, l'instant d'après je lis l'inverse. Mon paternel m'a expliqué qu'ils étaient nudistes. Enfin, je crois. Je ne m'en souviens même plus. Mais d'après mes recherches, j'en conclu qu'ils sont naturistes puisque certes, souvent nus chez eux, à la maison, mais aussi en vacances, en camping, sur des plages spécialement adaptées pour accueillir les anti-textile.           L'avantage, c'est qu'à leur contact, je suis devenue une femme sans complexes. Ou en tout cas j'aime imaginer que c'est grâce à eux. J'assume mon corps tel qu'il est; je me pose très peu de questions. Je me sens plutôt jolie, notamment féminine grâce à mes formes. Un corps en huit, comme dirait Cristina. Magnifaïque ! J'ai très peu de tabous. Je parle de tout, facilement. J'aime les petites discussions un brin grivoises et suis rarement gênée ou choquée. J'aime être ainsi. Je me sens libérée, d'une certaine façon. Légère. Mais ça n'a pas toujours été comme ça.
Parce que quand tu grandis avec des tout-nus, il faut t'adapter. Tout le monde n'est pas aussi tolérant... Et avant de commencer à devenir le bout de femme bien dans ses baskets que j'ai toujours voulu être, il a fallu passer par quelques moments plus ou moins cocasses.
Quand, après les cours, tu proposes à ta meilleure copine de venir à la maison, tu n'as pas d'autres choix que de prévenir tes parents. Pas pour leur demander une quelconque autorisation, non. C'eût été bien trop normal. Non, toi, tu les préviens, pour être sûre qu'ils seront habillés quand tu rentreras. 
Quand tu marches avec ta mère dans la rue & qu'elle porte une robe, tu pries pour qu'il n'y ait pas de vent un peu trop violent et surtout pour que tu ne croises pas ta pire ennemie au même instant. Parce que ta gentille petite maman que tout le monde adore... eh bien elle ne porte jamais de culotte. Ca fait des traces sous les fringues, il paraît. Et puis bon, le bout de ficelle entre les fesses, parfois c'est désagréable. (Elle n'a jamais compris qu'il pouvait exister autre chose que les strings. Encore aujourd'hui.)
Au fil des années, une organisation particulièrement bien rodée a été mise en place afin d'éviter tout désagrément. Pourtant, un jour il y a une faille dans le système. Alerte. Et un matin tu oublies que ton meilleur copain passe te chercher pour aller au lycée. Et quand tu le vois arriver dans ta chambre, les yeux écarquillés, en luttant pour sortir un "euh...je crois que j'ai vu la bite de ton père", tu te fais la promesse qu'à l'avenir, plus personne ne mettra ne serait-ce qu'un seul pied chez toi. On minime bien trop souvent les éventuelles séquelles psychologiques chez les sujets sensibles.

Tu finis par te rendre à l'évidence;
aucune organisation ne tient la route avec ces deux électrons libres en guise de modèle éducatif.

Une fois que tu as grandi, que tu t'es installée dans une vie de couple saine & stable à sa façon et que tu invites tes parents un weekend en guise de présentation : tu dois briefer le boyfriend. Tu dois lui dire que tes parents sont plutôt bien élevés, mais un peu trop nature par moment. Qu'ils parlent de tout à table. D'absolument tout. Du dernier discours du Chef de l'Etat aux nouveaux voisins qui ont un chien un peu trop bruyant, en passant par "mais si tu sais chérie, rappelle-toi, ce type qui me prenait pour l'acteur porno' qu'on aimait bien !!"... 
Généralement tu te sens un peu partir, laissant ton enveloppe corporelle assise à cette même table tout en t'imaginant le plus loin possible de ces sociopathes-sans-gênes. Parce que le coup de grâce arrive au dessert. Quand après ce même repas, ton père a envie d'enfiler quelque chose de plus confortable et troc son jean pour son pyjama en pilou... dans le salon.
Petite astuce personnelle : toujours éviter le regard perplexe et légèrement mal à l'aise du bien-aimé dans ces moments-là & agir comme si ce n'était qu'un ridicule détail.
Aujourd'hui, je ne sais même plus si c'est normal ou non. Correct ou pas. C'est juste comme ça. Être si naturel signifie, chez nous, être simplement à l'aise. Aussi bien avec soi qu'avec les autres. Néanmoins, je n'ai pas adopté ce mode de vie & même si je peux accueillir le facteur en serviette parce qu'il sonne au moment où je suis sous la douche ou faire l'amour sous un spot, je ne me promène pas nue devant l'inconnu. Je n'adhère pas. Bien évidemment, que les choses soient claires : je ne condamne absolument pas cette pratique. Je suis d'une tolérance infinie -sauf face à l'intolérance; cherchez l'erreur. Je trouve formidable que les gens puissent vivre comme ils l'entendent. Au fil des discussions je m'aperçois simplement que ce n'est pas si banal que cela comme expérience. On me dit d'ailleurs souvent que ma famille est fofolle, très (trop) vivante. Un peu embarrassante sur les bords. Et c'est ça la famille après tout; un peu de folie, saupoudré d'un filet de honte, le tout mélangé à une pincée d'amour et de rancoeur.



Au fond, je crois que je leur en suis reconnaissante. 
Mais chut, ça reste entre nous.

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